Perchées sur les hauteurs d’Arcachon, la Ville d’hiver et ses somptueuses demeures s’imposent sur une immense dune de sable boisée à seulement quelques kilomètres de la mer. Les 300 villas inspirées du style néoclassique, néo-gothique, mauresque, du chalet suisse ou des édifices coloniaux forment, malgré leur singularité, un ensemble architectural harmonieux dont la genèse n’a d’égal que sa beauté.
Les origines de la Ville d’Hiver
Cette partie de la ville d’Arcachon est née d’une opération immobilière menée en 1860 par 2 banquiers, Émile et Isaac Pereire, qui viennent alors de réaliser le célèbre parc Monceau à Paris.
Deux hommes et une bactérie
Les deux frères, propriétaires de la Compagnie du midi qui exploite la ligne de train Bordeaux-La Teste, et dont la famille est fixée dans la région depuis plus d’un siècle, souhaitent rentabiliser été comme hiver leur train. À cette époque, le bacille de Kock fait des ravages, et les personnes atteintes de la tuberculose n’ont qu’une seule recommandation thérapeutique : le grand air. Le centre-ville d’Arcachon, la ville d’été, accueille déjà de nombreux malades venus s’adonner aux joies de l’ensevelissement et des bains de mer réputés curatifs.
Un plan d’urbanisation hygiéniste
Émile Pereire décide de racheter des terrains sur les hauteurs de la ville et de les lotir pour un faire un sanatorium à ciel ouvert : la Ville d’Hiver d’Arcachon est née. Pensée au départ comme une « petite Suisse », les pins remplacent les sapins, les dunes s’imposent comme les montagnes, c’est tout naturellement qu’il y fait bâtir 96 chalets.
Pour favoriser la guérison des patients, les maisons sont conçues initialement selon un même plan simple et sans fioriture, même si d’extérieur elles paraissent si différentes. « Aucun angle vif, aucune moulure aux plafonds et pas de rideau », témoigne Myriam Madec, guide à l’office du tourisme de la ville d’Arcachon. Certaines disposent de cheminées escamotables permettant de chauffer les malades ; c’est le cas notamment de la Villa Marie-Adèle. D’autres, bénéficient d’un système de ventilation naturel qui permet de faire rentrer l’air balsamique des pins, censé soulager les tuberculeux, comme la Villa Marcelle-Marie.
Des balcons, dont l’exposition a été savamment étudiée, permettent aux malades de profiter de l’air pur à chaque étage.
Les rues de la ville se veulent sinueuses afin de limiter les courants d’air déconseillés d’un point de vue thérapeutique. C’est dans cette ville nouvelle que les malades accompagnés de leur famille viennent séjourner dans ces villas achetées ou louées meublées, pendant plusieurs mois.
La renommée de la ville dépasse le cercle des malades et les curistes affluent du monde entier. Les villas et les hôtels se multiplient, les parcs et infrastructures sortent de terre, attirant toutes les têtes couronnées d’Europe.
La signature architecturale emblématique de la Ville d’Hiver
Classée à l’inventaire des monuments historiques depuis 1985, la Ville d’Hiver d’Arcachon témoigne de cette architecture balnéaire du 19e appartenant au mouvement « pittoresque » : qualificatif qui relève notamment de l’esthétique et qui est utilisé pour une composition susceptible de charmer, de répondre au canon de l’harmonie classique.
Pour ne citer que quelques-uns de ces édifices remarquables :
- Le Casino Mauresque qui fut construit par l’architecte Paul Régnauld en 1863, offre une vue imprenable sur la Ville d’Été et sur le bassin d’Arcachon. Inspiré de l’Alhambra de Grenade et de la mosquée de Cordoue, l’ouvrage a été détruit par un incendie en 1977. Il ne reste aujourd’hui que les 8 hectares de parc transformés en arboretum.
- La Passerelle Saint-Paul et l’Observatoire Sainte-Cécile, deux ouvrages métalliques qui témoignent de l’engouement pour ce type de construction au 19e. Construite en 1862 par les architectes Paul Régnauld et Gustave Eiffel, elle surplombe un ravin de 15 mètres de profondeur afin de relier les dunes de Saintes-Cécile et de Saint-Paul. En 1863, la passerelle sera couronnée d’un lieu d’observation de 32 mètres de hauteur.
- La Villa Tolédo, son nom actuel, n’est autre que l’ancien Gymnase Bertoni construit en 1862 pour la Compagnie du Midi sous la maîtrise de l’architecte Paul Régnauld. Ce lieu, utilisé en centre équestre, s’apparente comme beaucoup d’édifices de la Ville d’Hiver à cette époque, à une bâtisse rustique inspirée des chalets suisses ou des maisons à pans de bois du XVesiècle. Elle est transformée en 1878 en Villa Roméo par son propriétaire, l’architecte Gustave Alaux qui modifie notamment l’escalier, véritable chef-d’œuvre, et le balcon. C’est un financier qui en l’acquérant en 1880 lui donne le nom de Toledo en souvenir de sa carrière en Espagne.
- La Villa Alexandre Dumas compte parmi les plus beaux ouvrages de la Ville d’Hiver d’Arcachon. Édifiée en 1895 par l’architecte Jules de Miramont, elle est nommée Osiris par son premier propriétaire, un banquier mécène et philanthrope. C’est à sa mort vers 1907, qu’elle sera rebaptisée Villas Alexandre Dumas. Cette somptueuse demeure singulière aux façades et boiseries polychromes réunit les éléments de l’architecture hispanique tout en intégrant un belvédère inspiré des villas italiennes de l’époque. Une mise en valeur appuyée également par des grilles et clôtures ornementées en fer forgé et d’un splendide jardin aux essences variées.
Les autres demeures se nomment notamment Villa La Rochefoucauld, La Pergola, Villa Pereire, Villa Trocadéro, Villa Brémontier ; leur point commun : une architecture balnéaire typique à découvrir et contempler pour les plaisirs des yeux.
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